Dans le Restaurant
1888.9.26-1965.1.4
Le garcon délabré qui n'a rien à faire
Que de se gratter les doigts et se pencher sur mon épaule:
"Dans mon pays il fera temps pluvieux,
Du vent, du grand soleil, et de la pluie;
C'est ce qu'on appelle le jour de lessive des gueux."
(Bavard, baveux, à la croupe arrondie,
Je te prie, au moins, ne bave pas dans la soupe).
"Les saules trempés, et des bourgeons sur les ronces--
C'est là, dans une averse, qu'on s'abrite.
J'avais septtans, elle était plus petite.
Elle etait toute mouillée, je lui ai donné des primavères."
Les tâches de son gilet montent au chiffre de trente-huit.
"Je la chatouillais, pour la faire rire.
J'éprouvais un instant de puissance et de délire.
Mais alors, vieux lubrique, a cet âge ...
"Monsieur, le fait est dur.
Il est venu, nous peloter, un gros chien;
Moi j'avais peur, je l'ai quittee a mi-chemin.
C'est dommage."
Mais alors, tu as ton vautour!
Va t'en te décrotter les rides du visage;
Tiens, ma fourchette, décrasse-toi le crâne.
De quel droit payes-tu des expériences comme moi?
Tiens, voilà dix sous, pour la salle-de-bains.
Phlébas, le Phénicien, pendant quinze jours noyé,
Oubliait les cris des mouettes et la houle de Cornouaille,
Et les profits et les pertes, et la cargaison d'etain:
Un courant de sous-mer l'emporta tres loin,
Le repassant aux étapes de sa vie antérieure.
Figurez-vous donc, c'etait un sort penible;
Cependant, ce fut jadis un bel homme, de haute taille.
DayPoems Poem No. 2663
<a href="http://www.daypoems.net/poems/2663.html">Dans le Restaurant by Thomas Stearns Eliot</a>
The DayPoems Poetry Collection, www.daypoems.net
Timothy Bovee, editor
Poets Poems